Paul Pierce, le Californien
Pour la deuxième fois en trois ans, Paul Pierce s’en est allé défier Los Angeles sous le maillot des Boston Celtics.
Un retour aux sources pour l’enfant d’Inglewood.
« Back to his roots », titrait le « L.A. Times » le jour du Game 3 des Finales NBA 2008, avec une photo de Paul Pierce pleine page, le poing rageur. Pierce le Californien, le natif d’Oakland passé par Inglewood, était de retour à la maison, avec les Celtics. A cet instant-là, on pouvait dire que le n°34 de Boston, souvent étiqueté gentil loser (en plus de ses échecs en club, il était de la campagne désastreuse d’Indianapolis en 2002 avec le Team USA), faisait un MVP des Finales indiscuté et indiscutable : 25 points de moyenne à 61.5% de réussite sur les deux premiers combats livrés à « Beantown ». Sacrée revanche donc pour celui qui grandit à Los Angeles… en vouant une haine féroce aux Celtics.
« Nous étions au milieu des années 80. Coup sur coup, deux Finales avaient opposé les Celtics et les Lakers (ndlr : 1984 et 1985). Comme tout le monde à L.A., j’étais fan des Lakers, du showtime, de Magic… En plus, je jouais au basket autour du Forum d’Inglewood. Je haïssais les Celtics. »
« Je n’en pouvais plus de voir Boston en Finales »
Celui qui sera drafté en 10e position par Boston en 1998 a 7 ans à peine lorsqu’il suit à la télé sa première Finale NBA. Elle met donc aux prises les deux franchises légendaires, emmenées par une constellation d’étoiles.
« J’étais chez l’un de mes oncles et je suivais ça sur une toute petite télé. Nous étions nombreux à regarder les matches, alors les plus petits comme moi s’asseyaient à même le sol, juste devant l’écran. »
Il y a 26 ans, Paul criait évidemment « Go, Lakers, go ! » En 2008, après l’obtention du titre de la Conférence Est aux dépens des Pistons, il fut le premier dans le locker room des Celtics à hurler : « Beat L.A. ! » La faute à cette fameuse draft vieille de douze ans. La faute, surtout, au destin qui le mena du côté de Kansas durant ses années college. Pierce fit contre mauvaise fortune bon cœur. Il lui fallait tirer un trait sur le passé, se faire à l’idée d’intégrer cette « Green Team » autrefois honnie.
« Comprenez-moi : Boston avait battu les Lakers en 1984 (ndlr : 4-3) et pendant les trois années qui suivirent, les Celtics retournèrent en Finales… Je n’en pouvais plus de les voir ! Je les détestais, d’autant que les Lakers possédaient des joueurs qui me fascinaient et qui me faisaient rêver. A l’époque, on jouait tout le temps au basket sur les playgrounds et à l’école. On mimait les gestes de Magic, les conclusions de fastbreak de James Worthy et les shoots très purs de Byron Scott… C’était une référence et un modèle pour nous tous. »
Premières couleurs : un maillot vert et blanc…
L’un des anciens partenaires de lycée de Paul Pierce à Inglewood, Sam Turks, croisé pendant les Finales 2008, rapportait cette anecdote :
« On s’était dit que si l’un d’entre nous avait la chance un jour d’évoluer en NBA, il ne devrait jamais porter le maillot des Celtics… Nous étions encore des gamins. Quand on faisait des un contre un, on se disputait pour jouer le rôle de Magic. L’autre devait être Larry Bird. En fin de compte, ça se terminait toujours par une opposition entre Lakers : l’un était Magic, l’autre Worthy ou Scott… Il était tout simplement impensable de nous imaginer dans la peau d’un Celtic ! On tenait cette franchise en horreur. »
Paul fait donc son lycée à Inglewood, à deux pas du Forum où jouent les Lakers. Pas de bol : les couleurs de cette highschool sont le vert et le blanc…
« Comme les Celtics, quoi ! Ça ne m’emballait pas des masses de porter ces couleurs mais d’un autre côté, c’était une fierté. Je défendais les couleurs de mon école », se souvient « The Truth ».
Couvé par un détective privé
Pierce grandit dans le quartier d’Inglewood. Les gangs ne sont jamais très loin… Il joue au basket avec des gars plus âgés, surtout sur les playgrounds où règne la loi du plus fort. Souvent, il se lève aux aurores pour évoluer dans un gymnase. Carlo Calhoun, un gars bien plus âgé que lui, conduit les futurs phénomènes de la balle orange à la salle dans une vieille Datsun marron. Le ballon n’est pas cher à l’époque. A peine 90 cents (aujourd’hui, il frôle les 4 $).
« La particularité de cette voiture, c’est qu’elle n’avait pas de siège à l’arrière… », se remémore Pierce qui roule désormais en Cadillac et en Merco.
Il ne franchira jamais la ligne jaune menant à la délinquance ou à la violence organisée. Quelqu’un veille sur lui. Un détective du nom de Scott Collins. Le matin, Collins fait du sport dans le même gymnase. Il prend sous son aile le plus jeune de la bande. Le franchise player de Boston se souvient très précisément de cette période.
« Qui a envie de se lever à 5 h 30 du matin pour aller faire du basket dans un gymnase ? Je ne connais personne suffisamment motivé pour s’imposer cette discipline tous les jours. Mais quand tu es un gamin et que tu entretiens certains rêves, tu mets tout en œuvre pour les réaliser… Ça commence par une certaine éthique de travail. »
Et puis à 6 h du matin, peu de choses peuvent arriver à un enfant d’Inglewood. Les bad boys dorment enfin sur leurs deux oreilles…
Un bourreau de travail
Scott Collins explique que Pierce était le premier à rameuter les troupes pour jouer avant d’aller au lycée ou au boulot pour les plus âgés.
« Il n’était pas souvent suivi… C’est pour cela que je passais du temps avec lui. »
Pierce avait cette réponse pour ceux qui déclinaient son invitation :
« Pendant que vous dormirez, je m’entraînerai pour les matches et je deviendrai encore plus fort… »
La suite lui a donné raison. Pierce a enchaîné les games en playoffs. Vingt avant de connaître sa première Finale NBA, 94 au total dans sa carrière. Ses anciens teammates, eux, l’ont suivi à la télé ou au Staples Center… C’est au lycée que Pierce apprit à dunker et qu’il réussit le geste pour la première fois.
« C’est vraiment là que j’ai pris confiance dans mon jeu. Je me suis élevé au-dessus de tout le monde pour dunker, c’était grisant. »
A l’instar de James Worthy, qu’il imitait quelques temps auparavant. Patrick Roy fut son premier vrai coach à Inglewood.
« Paul was a good player, not a great one », explique ce dernier.
Un bon basketteur. Mais pas encore de la race des champions… Pierce a 16 ans lorsqu’il explose véritablement. En un seul été, il prend 4 inches (10 cm) et surtout, il acquiert des moves que n’ont pas les gars autour de lui. Roy se souvient du scouting de l’époque.
« Comme junior, il était capable d’aligner 21 points, de prendre 9 rebonds et de donner 6 passes. Ça intrigue forcément, surtout quand la production est régulière, ce qui était son cas. Mais il travaillait tellement que ça ne me surprenait pas plus que ça. »
Roy l’admet facilement : Pierce était moins doué que beaucoup lors de son arrivée en high school mais il en est reparti meilleur que tous les autres grâce à un boulot énorme.
Comment le fan des Lakers est devenu un bon Celtic
Le futur Celtic quitte pour la première fois Los Angeles, direction Kansas. Il fera ses adieux aux Jayhawks au bout de trois ans pour rejoindre Boston, le pire cauchemar de ses jeunes années.
« Quand il a été drafté, je lui ai dit qu’il n’avait pas tout perdu : il allait retrouver ses couleurs de lycée… », se souvient Scott Collins.
La boucle est bouclée. Paul Pierce aura 33 ans en octobre. Il est sous contrat avec Boston jusqu’en 2011, sauf s’il décide de se mettre sur le marché des free-agents cet été, et ne portera donc sans doute jamais le jersey qui le faisait rêver petit. Celui des Lakers.
« Disputer une finale contre l’équipe que j’ai idolâtrée durant toute mon enfance, c’est spécial. Le faire avec celle que j’ai haïe durant la même période mais où je joue depuis douze ans maintenant, encore plus… »
Pierce avait atteint une finale de Conférence au début de la décennie. C’était en 2002 contre New Jersey (élimination 4-2). A l’époque, Boston ne vivait que par le duo Antoine Walker-Paul Pierce. Pour le pire, bien souvent, et le meilleur de façon beaucoup plus rare… Une époque qui renvoie l’image d’un joueur un peu perso, régulièrement perdant et pas franchement leader. Pourtant, il n’a jamais été dans l’œil du cyclone chez les Celtics. Jamais pris en grippe par les fans. Une fois, une seule, Danny Ainge, le GM, a tenté un coup, exploré la piste d’un trade le concernant.
Au moment de la draft 2005. Il s’agissait de proposer le franchise player de « Beantown » pour récupérer Chris Paul. Les discussions n’étaient pas allées bien loin. Pierce a longtemps chéri les Lakers mais il a été définitivement adopté par Boston qui aime le basketteur dur au mal et son côté col bleu (pardon, vert). Il se rend fréquemment à Fenway Park pour voir jouer les Red Sox, l’équipe de baseball. Il est attendu de la même manière chez les Patriots de New England, l’équipe de football américain championne NFL en 2001, 2003 et 2004, finaliste malheureuse en 2008. En douze ans, Pierce a appris à connaître l’histoire de cette ville à travers le sport. Même s’il réside à Los Angeles pendant l’été, même s’il dispute des pick-up games à UCLA, même s’il est totalement impliqué dans la « Mid-summer Night’s Magic », il reste toujours connecté à Boston.
« Je sais où sont mes amis », répète Paul Pierce le Californien.
Et des amis, le n°34 des Celtics en a beaucoup à présent.
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