Bill Russell (76 ans) est une légende respectée et respectable, et lorsque l’ancien Celtic parle, on l’écoute attentivement.
Tout juste auréolé de la plus haute distinction des Etats-Unis, Russell s’est confié à notre confrère Richard Deitsch de Sports Illustrated.
Au programme de cette entrevue : sa carrière et son héritage, la place des noirs dans le sport et surtout un sujet d’actualité, le titre de sportif de l’année de SI, remporté cette année par le footballeur Drew Brees (MVP du Super Bowl). Russell le remporta en 1968 alors qu’il était entraîneur-joueur de Boston.
Morceaux choisis.
15ème sportif de l’année et premier joueur de basket honoré, que signifie 1968 pour vous ?
« C’est mon premier championnat en tant que coach (ndlr : il est d’ailleurs le premier entraineur noir de l’histoire des sports US). Les gens de Sport Illustrated m’ont expliqué que le titre de sportif de l’année, c’était plus que de gagner des matches et des trophées. C’était davantage la contribution à la société par le biais du sport. Mais je vais vous avouer un truc : je n’ai jamais lu l’article (ndlr : qui lui était consacré pour son titre.) »
« J’ai vu la couverture, et quand je la vois encore, je ris toujours car je porte une veste de Nehru et le lendemain, c’était totalement démodé. J’ai dû lire la moitié de l’article et même aujourd’hui je n’aime pas lire les articles sur moi. »
Comment avez eu connaissance de votre titre, et que signifie aujourd’hui le fait d’être sportif de l’année ?
« Un des gars de SI m’a appelé. Ils m’ont dit qu’ils voulaient me nommer Sportif de l’année et ils m’ont demandé l’autorisation. La plupart des publications ne demande pas votre permission, mais le trophée est une question : avez-vous utilisé votre image pour définir ce qu’un sportif devrait être ? »
« Je ne serais pas définir un sportif, ni son rôle aujourd’hui. La société change tellement vite. Ce fut ma seconde saison comme premier coach noir dans les sports professionnels. Ce que j’accomplissais allait au-delà de simplement gagner des matches. »
Vous gagnez le trophée en 1968, une période de transition dans notre pays. Comment le rôle de l’homme noir a changé depuis 42 ans ?
« Il y a beaucoup plus de personnes dans la gestion et les prises de décision, mais pas autant qu’ils pourraient l’être. Les médias sont encore principalement blancs. Si Red (Auerbach) et moi avions parlé d’être des pionniers à l’époque, je n’aurais pas pris le poste d’entraîneur. Il m’a simplement dit que c’était un travail de Celtics ndrl : sans parler de couleur de peau). »
Regardez-vous du sport aujourd’hui ?
« Je regarde beaucoup de basket-ball, je suis un de ses vieux gars qui vont aux matches de lycée. J’essaie d’arriver en retard pour être dans la dernière rangée. C’est ce que mon père faisait pour moi »
Est-ce possible aujourd’hui de voir un joueur être aussi coach ? (ndlr : Russell était joueur/entraîneur)
« Vous voyez mon coach (Red Auerbach) n’a jamais eu d’assistant. Jamais ! Donc le capitaine était son assistant. Il s’en servait lorsqu’il voulait partir d’un match. Je crois que lors de notre dernière saison, il s’est fait expulser 22 fois. »
« Un des avantages d’être capitaine, c’est que vous avez une chambre individuelle, aujourd’hui vous avez des colocataires. Ainsi Red et moi, nous jouions aux cartes jusqu’à 3 ou 4 heures du matin et discutions de tous les aspects de la vie et de nos professions. Souvent, nous avions vu le même match différemment, il l’avait vu du banc, moi du poste de pivot. Dans mon livre, j’ai écrit que lorsque je suis arrivé à Boston, j’ai eu quelques accrochages avec Red ».
Red et vous avez toujours semblé être fidèles aux Celtics et surtout aux mêmes joueurs ?
« Quand je suis arrivé à Boston, la première chose que j’ai faite a été d’analyser mes coéquipiers. Ce n’était pas pour voir s’ils étaient bons ou pas. C’était pour voir ce qu’ils pouvaient apporter à l’équipe et s’ils étaient capables de mettre leurs coéquipiers dans de bonnes situations. Beaucoup de ma contribution a été d’apprendre à être invisible. »
« Je n’ai jamais entendu mon coach demander à avoir un joueur d’une autre équipe.Red avait l’habitude de dire qu’il voulait une équipe pour faire la guerre avec. Ce que j’ai appris de Red, c’est qu’il n’a jamais été Red et les Celtics, il était les Boston Celtics. Nous n’aurions jamais dit : Bob Cousy et les Celtics ou Bill Russell et les Celtics. Nous étions les Celtics, et ma plus grande fierté est de faire partie de l’équipe. »
« Ils ont nommé le trophée de MVP des Finals, trophée Bill Russell (ndlr : en 2009). Je l’ai accepté. La plupart du temps, je n’ai pas le temps pour ce genre de récompenses individuelles. J’ai toujours dit : je remercie mes coéquipiers de m’avoir permis de les aider à faire de leur mieux. »
Qu’espérez-vous que les gens conservent de vos années de sport ?
« Je ne sais pas… Je fais partie de ceux qui ont minimisé le fait d’être au Hall Of Fame car j’ai pris du recul par rapport à ma profession. Je voulais trouver ce qui était important et ce que je retiens, c’est que la seule statistique importante dans le jeu est le score final. Qu’est ce que je peux faire avec qualités pour assurer à mon équipe de gagner le plus de matches ? C’était la seule qui comptait pour moi. »
« Je vais vous donner un exemple. Lors de ma saison sophomore, les joueurs me désigne MVP, mais dans le même temps les journalistes élisent les All NBA Team et je me retrouve dans la seconde équipe alors que je suis MVP ! (rires). »
« Quand les gens se demandent qui est le meilleur joueur (de l’histoire), je ne me mets jamais dans cette catégorie. Ce que je réponds, c’est qu’à l’université, j’ai décidé d’une chose : je voulais essayer de gagner tous les matches. »